Marie Trois, artiste layenne
Marie Trois (1874-1947 à Lay) était l’aînée d’une fratrie de cinq enfants, tous nés à Lay. Elle avait trois sœurs : Marie-Louise, Joséphine, Marguerite, et un frère, Joseph.
Leur père, Faustin Trois, était né à Moivrons en 1846 ; leur mère, Louise Haudomé, en 1852 à Lay-Saint-Christophe, leur racine layenne. Le couple, marié en 1873 à Lay, s’installe dans la commune. Faustin Trois y exercera le métier de boucher à l’emplacement de l’actuelle boucherie, au numéro 29, Grande Rue (actuelle rue Baron de Courcelles).
Le fils Joseph, né en 1877, décédé dans les années 50, était bien connu à Lay pour avoir tenu la boucherie à la suite à son père. Après son retrait du commerce, il avait habité la maison contigüe. Il y avait organisé sa retraite et avait aménagé un atelier dans la grange du rez-de-chaussée, dont la grande porte en bois à double vantaux donne sur la rue. Il y pratiquait toutes sortes d’activités, à petits prix, pour la population : sciage de bois de chauffage ; pressage de raisin et de pommes ; distillation des marcs et fruits, etc…
Marie-Louise (1875-1904 Nomeny) verra sa vie, pourtant promise à un bel avenir, finir tragiquement. Mariée en 1902 avec Auguste Hennequin, important marchand de grains à Malzéville et à Nomeny, meurt en couche, ainsi que son bébé, en 1904. Ce drame sera sans doute pour quelque chose dans le célibat de Marie et dans celui de sa plus jeune sœur Marguerite (1891-1974 Lay) alors âgée d’à peine treize ans. Elle s’engagea au service de l’église comme organiste et aussi pour l’entretien du lieu et son fleurissement.
Marguerite vivait avec Marie dans une maison située sur le Talus au numéro 43 de la Grande Rue. L’entente des deux sœurs ne fait aucun doute car elles partagèrent la maison pendant 56 ans ! Marguerite y resta jusqu’à la fin de sa vie, 27 ans encore.
Marie Trois, l’artiste
Avoir un don pour le dessin et la peinture n’est pas si rare. Mais arriver au niveau de Marie Trois est moins courant.
Plusieurs questions se posent. Marie a-t-elle suivi une formation ? A priori rien ne l’indique.
L’autre question ouverte est : quelqu’un le sait-il ? Interrogées, des personnes âgées, dont les parents avaient été des amis proches de la famille, ne savaient pas répondre. Leur seule certitude était qu’elle peignait et elles conservaient une partie de ses œuvres. Ce sont les trois que je présente ici.
Une aquarelle représentant une gerbe de roses et deux huiles sur toile représentant des paysages.
Ces huiles réalisées à la même époque, comme le montre les dates identiques de 1901 des châssis, et aussi la tonalité identique des deux œuvres.
Marie Trois signait ses tableaux Marie III, utilisant le chiffre romain pour son nom. Fantaisie ou modestie ? Les deux peut-être. Un tableau est toujours le reflet de l’artiste qui l’a réalisé. Il peut révéler beaucoup de sa personnalité. Sur la connaissance des techniques, l’œuvre est plus parlante encore. J’en donne une courte analyse pour chacune.
Marie TROIS. Bouquet de roses, d’après A.N. Aquarelle sur canson, 54 x 30 cm
Marie Trois, quand elle n’était pas créatrice de l’œuvre, faisait précéder sa signature du nom de l’auteur.
Cette déontologie respectée montre qu’elle entendait distinguer ses créations de ses copies. Ici le terme «d’après A.N.» bien que le nom du créateur se résume aux initiales, en est l’affirmation (la signature peu appuyée n’apparaît pas à l’échelle de cette reproduction).
D’après A.N. laisse le choix entre une copie intégrale et une réalisation nouvelle n’imitant que des éléments techniques de représentation.
Compte-tenu de son niveau je penche pour cette dernière interprétation. On peut admirer le réalisme des feuilles.
Marie TROIS. Étang aux nénuphars. Huile sur toile. Châssis daté de1901. 61×50 cm
Ce tableau, d’une belle mise en page, présente un mouvement général en arc s’ouvrant vers la gauche, le passé. Le tout engage à la nostalgie et à la rêverie. Marie Trois est vers la trentaine quand elle réalise ce tableau. Son art est déjà bien fixé. La représentation des fourrés et des arbres est remarquable et dénote une expérience aboutie dans ce domaine.
Marie Trois. Les Bouleaux. Huile sur toile. Châssis daté de 1901. 61 x 50 cm
Cette toile, plus aérée que la précédente met en valeur les bouleaux qui forment la partie dominante. D’où le nom que l’on peut lui donner. Marie Trois adapte bien son sujet et décale adroitement le groupe des bouleaux vers la gauche pour laisser au plan reculé, avec la cabane rouge, toute sa place.
L’équilibre est là aussi bien vu. Le rouge, comme les artistes le savent, renforce les autres couleurs, à condition de ne pas être dominant ou trop répété.
Albert CONTE